Dans l’article précédent, nous avons eu l’occasion d’explorer en profondeur la fête de Pơ Thi – la cérémonie de l’abandon des maisons funéraires des Jorai, une ethnie minoritaire. Et dans cet article, poursuivant notre voyage culturel, explorant la région des Hauts Plateaux du Centre, lieu de résidence de nombreuses ethnies, nous vous présenterons davantage l’image associée à la fête de Pơ Thi, à savoir les maisons funéraires. Bien qu’il y ait eu de nombreux changements liés au mode de vie moderne, les traditions sont toujours préservées.
Les maisons funéraires des Hauts Plateaux du Centre
Les maisons funéraires, également appelées « nhà mồ » en vietnamien, sont des structures architecturales uniques et emblématiques de la culture des peuples autochtones des Hauts Plateaux du Centre au Vietnam.
*** Les Hauts Plateaux (Centre Sud, Vietnam) s’étend sur cinq provinces : Kon Tum, Gia Lai, Đăk Lak, Đak Nong et Lam Dong. C’est considéré comme le foyer commun de 45 ethnies, représentant environ 40% de la population locale. La plupart des habitants appartiennent aux ethnies Bahnar, Ede, Jorai, So Dang, Mạ et Mo Nong.
En visitant les maisons funéraires, vous aurez l’occasion de voir la beauté unique de la culture locale. Plus la maison funénaire est belle et soignée, plus l’affection des vivants pour les défunts est grande.
Le design des maisons funéraires
Les maisons funéraires sont toujours construites en direction de l’ouest du village, où le soleil se couche, selon la croyance asiatique, cette orientation est réservée aux défunts. Une maison funéraire se compose de trois parties principales : la maison, l’espace autour de la maison et les statues. Un enclos entoure la maison et est fait de bois. Le toit de la maison représente tout un monde artistique vivant avec une composante spirituelle. Dans les maisons funéraires traditionnelles, si vous observez attentivement, le toit aura des sculptures représentant la chasse, la cueillette, la consommation d’alcool, la danse Xoang, symbolisant l’ethnie de la personne.
Il est facile de trouver une entrée dans chaque maison funéraire. Les portes sont ouvertes pour que les proches puissent venir nettoyer, apporter de la nourriture quotidienne aux défunts. Ils dorment à côté de la tombes pour converser et partager les nouvelles du village ou de la famille.
Un point particulier, les portes ne sont pas orientées vers le village ! Car selon leur croyance, après la mort, les défunts deviennent des fantômes et ont besoin de nourriture. Ainsi, si la porte est tournée vers le village, les esprits suivront les proches en regardant en arrière vers le village.
La culture d’enterrer les défunts dans les maisons funéraires
Une fois entrée, il y a beaucoup à découvrir. Le cercueil du défunt est enterré sous terre et est fait de bois. Autrefois, les ethnies des Hauts Plateaux avaient l’habitude d’enterrer plusieurs personnes dans un même cercueil. La dernière personne à être décédée était enterrée au-dessus de la première. Mais maintenant, les familles choisissent des sépultures individuelles, où chaque personne décédée est enterrée à un endroit et mise côte à côte avec les autres.
Habituellement, de 3 à 10 ans après le décès, une cérémonie d’abandon de la tombe est organisée, cela dépendant de chaque ethnie. Et avant la cérémonie d’abandon de la tombe, les membres de la famille rénovent la maison funéraire pour la dernière fois.
Au-dessus, à l’avant du tombeau, est placé une jarre de l’alcool de riz « Ghè rượu » pour « recevoir nourriture et boisson » quotidiennement. Dans certains endroits, ils placent des tubes en bambou pour verser de la nourriture et de l’alcool de riz aux défunts.
Le « Ghè rượu », était autrefois un objet précieux dans la famille. Parfois, il fallait échanger plusieurs dizaines de buffles pour en posséder un. En raison de sa valeur et de son importance en tant que bien familial, les habitants avaient l’habitude de couper les poignées du Ghè et de les donner aux défunts. (Nous pouvons facilement les trouver chez l’artisan A Biu).
Les maisons funéraires et leur lien avec les statues en bois, la fête de Pơ Thi
Le mois de mars est considéré comme le mois de la fête de Po Thi. C’est la grande fête des ethnies Jorai, Bahnar et Ede des Hauts Plateaux. Et lors de la cérémonie, les statues des maisons funéraires et les buffles, les vaches pour le sacrifice sont indispensables. Si vous voyez une maison funéraire avec des statues érigées autour d’elle et des os d’animaux ayant été sacrifiés, cela signifie que ces maisons ont été abandonnées ou sont sur le point de l’être.
Les statues des maisons funéraires: Riches et Exceptionnelles
Les statues seront sculptées avec minutie, faites de bois de pin, de bois de fer, une fois terminées, elles seront placées autour de la maison funéraire avant la cérémonie d’adieu, comme pour signifier qu’elles remplaceront les vivants pour prendre soin, accompagner et servir le défunt dans les années à venir. Malgré la destruction naturelle, les années de soleil et de pluie finiront par effacer ces statues dans la terre, rejoignant ainsi le défunt dans l’au-delà.
Les statues des maisons funéraires des Hauts Plateaux du Centre n’ont pas de traits communs prédéfinis. Chaque statue est sculptée par un artisan avec sa propre philosophie, pour pénétrer dans son âme. Les statues ne sont pas sculptées de manière aléatoire mais suivent une chaîne de pensées liées au défunt. Ils ne suivent pas de proportions fixes, mais elles sont principalement conçues en fonction des émotions de l’artisan sculpteur, pour décrire des expressions, des idées philosophiques sur la vie. Ainsi, chaque statue a une valeur unique.
En visitant chaque maison funéraire, vous verrez le message codé à travers chaque statue. Les statues des maisons funéraires les plus courantes représentent des animaux familiers aux défunts et des hommes ou des femmes en pleurs, des femmes enceintes ou des couples en train de copuler avec des parties génitales exagérées. Certains expliquent que ce symbolisme vise à la fois à honorer un nouveau cycle de renaissance et à avertir les survivants : ne pas être infidèles, ne pas enfreindre les lois morales.
Les statues de maison funénaire des Haut Plateaux du Centre (Photos: Hieu Tuyen)
Il est indéniable que le talent des fils des Hauts Plateaux du Centre, en particulier des sculpteurs, nourrit toujours la flamme créative pour insuffler une âme aux statues des maisons funéraires, connectant la vie avec l’esprit des défunts, créant des nuances plus vibrantes, des tableaux sacrés pleins de mystère, brillants et éclatants. Les statues des maisons funéraires sont uniquement destinées aux morts, le commerce ou la vente sont interdits. Dans le village, ceux qui le font seront sévèrement punis ou expulsés du village.
La petite histoire avant la cérémonie d’abandon de la tombe
(Selon la famille, selon l’ethnie)
Après avoir sacrifié un animal, le chef « Già Ak » prend le foie, la langue, le cœur, la peau du ventre et la gorge de l’animal pour les enfiler sur une brochette, puis prend de l’alcool de riz dans le « Ghè » pour le verser dans le tube de bambou. Il verse l’alcool de riz sur le sol près du tombeau et récite une prière : « Voici, je donne de la viande de porc, du poulet, de l’alcool de riz et du riz aux esprits. Aujourd’hui, nous rénovons le tombeau pour les esprits pour la dernière fois. »
Già Ak parle fort : « La cérémonie d’adieu arrive, à partir de maintenant, les vivants mangeront du riz blanc tandis que les morts mangeront du riz rouge, des fleurs violettes et rouges des divinités. Je demande aux esprits de ne pas appeler, de ne pas venir près, de ne plus aimer leurs descendants. À partir d’aujourd’hui, nous n’apportons plus de nourriture ni d’eau pour les esprits. S’ils veulent manger du poisson, de la viande, qu’ils demandent aux dieux dans le ciel. »
Puis, les membres de la famille entrent dans la maison funéraire pour pleurer une dernière fois avec les défunts.
La cérémonie d’adieu dure généralement 3 jours. Chaque nuit, la famille reste près du tombeau pour surveiller. À la dernière nuit, la cérémonie d’adieu devient une grande performance autour du tombeau. Après que Già Ak a terminé la cérémonie, on entend le son des gongs accompagnant le départ de l’âme du défunt vers l’autre monde.
À ce moment-là, les gens organisent un grand fête, jouent des gongs, et dansent ensemble selon les danses traditionnelles.
Pour en savoir plus sur la cérémonie d’abandon de la tombe, cliquez ici.
Conclusion
Les maisons funéraires sont le reflet de la culture et des croyances profondes des peuples autochtones de cette région montagneuse du Vietnam. Leur construction suit des règles et leur décoration est un mélange unique d’art et de spiritualité.
Hieu Tuyen (Aucoeurvietnam)