Lors d’un voyage au Vietnam, il ne faut pas longtemps pour percevoir l’importance du bouddhisme dans la vie quotidienne. Religion majoritaire du pays, le bouddhisme rassemble plus de 35 % des fidèles religieux. Des centaines de pagodes, réparties du nord au sud, témoignent de cette ferveur spirituelle. Certaines partagent des rites communs, d’autres se distinguent par des pratiques locales ou une architecture unique. Bien plus qu’une croyance, le bouddhisme au Vietnam façonne en profondeur la vie spirituelle, les relations sociales et parfois même les dynamiques politiques du pays.

Histoire du bouddhisme au Vietnam
Le bouddhisme est arrivé très tôt au Vietnam, vers la fin du IIe siècle et le début du IIIe siècle après J.-C., principalement par deux voies : maritime (la route « Hồ Tiêu ») et terrestre (la route « Đồng Cỏ »).
Par la mer, des marchands indiens utilisaient les vents saisonniers pour naviguer vers l’Asie du Sud-Est. Accompagnés de moines, ils ont accosté dans des ports comme Luy Lâu, au nord du Vietnam, où le bouddhisme a commencé à s’enraciner. Selon certaines sources, dès le IIIe siècle av. J.-C., sous le règne du roi Asoka, des missionnaires auraient déjà introduit le bouddhisme à Giao Châu. Des figures importantes comme Khâu Đà La ou Mâu Bác ont joué un rôle essentiel dans cette première période.
Par la voie terrestre, les moines ont suivi la route de la soie depuis l’Inde, traversant les steppes, le Tibet, le Laos, puis entrant au Vietnam par les régions montagneuses. Des sources affirment que des émissaires bouddhistes, notamment Uttara et Sona, ont atteint la péninsule indochinoise lors des premières missions d’évangélisation bouddhique.
Dès le IIIe siècle, le bouddhisme au Vietnam devient une composante majeure de la vie spirituelle. Luy Lâu devient un centre bouddhiste important. Au Ve siècle, apparaissent les premières écoles vietnamiennes, notamment avec les moines Huệ Thắng et Đạt Ma Đề Bà. Le mot « Bụt », d’origine sanskrite, est la preuve linguistique de l’enracinement ancien du bouddhisme au Vietnam.
À partir du VIe siècle, le bouddhisme chinois (du Nord) influence davantage le pays avec les écoles Thiền (Chan/Zen), Tịnh Độ (Terre Pure) et Mật Tông (Tantra). La tradition locale fusionne alors avec les enseignements chinois, structurant la vie religieuse vietnamienne jusqu’à nos jours.
Réalisations du bouddhisme au Vietnam
Depuis son introduction, le bouddhisme au Vietnam a traversé de nombreuses périodes de prospérité et de déclin, de division et d’unification. Aujourd’hui, il est unifié du Nord au Sud. Les différentes écoles sont toujours respectées dans leur diversité de pratiques, et le système des pagodes ainsi que le clergé sont désormais gérés de manière centralisée.
Selon les statistiques présentées lors de la conférence annuelle de l’Église bouddhique du Vietnam, on dénombre actuellement 14 303 établissements bouddhistes : 13 312 de tradition Mahāyāna (Bắc tông), 469 de tradition Theravāda (Nam tông) et khmère, 142 centres Khất sĩ, 95 ermitages (tịnh thất) et 185 salles de récitation du nom de Bouddha (niệm Phật đường). Le pays compte 26 268 moines et moniales. Trois Instituts de Bouddhologie, un collège supérieur, trente écoles de formation de base et un centre de formation pour les enseignants missionnaires sont en activité.
Par ailleurs, l’Institut d’Études bouddhiques a été fondé à Hô Chi Minh-Ville, avec une antenne à Hanoï. Enfin, la création du Conseil de traduction et de publication du Tripitaka vietnamien constitue un tournant majeur : 30 volumes ont été traduits du chinois et du pāli, marquant la première édition du canon bouddhique en vietnamien.
Les courants du bouddhisme au Vietnam
Le bouddhisme au Vietnam est profondément ancré dans la vie quotidienne, mais il ne se pratique pas partout de la même façon. Plusieurs courants coexistent, chacun avec ses propres rituels, tenues, règles alimentaires et modes de vie. Voici un aperçu clair de leurs différences… et où les découvrir.

Le bouddhisme Mahāyāna (Grand véhicule) – courant majoritaire au Vietnam
Le bouddhisme Mahāyāna, appelé aussi bouddhisme du Grand Véhicule, est la tradition la plus répandue au Vietnam. Il s’est transmis principalement par la Chine et a été profondément influencé par le confucianisme et le taoïsme. Cette tradition est bien implantée dans le nord et le centre du pays — notamment à Hanoï, Huế, Đà Nẵng, Ninh Bình (avec la célèbre pagode Bái Đính) — ainsi que dans les grandes villes du sud comme Hô Chi Minh-Ville.
Croyances fondamentales
Dans cette tradition, le Bouddha est perçu comme un être transcendantal qui choisit de se manifester dans le monde pour guider les êtres vers l’éveil. Sa présence historique en Inde n’est qu’une incarnation parmi d’innombrables autres. Les bodhisattvas jouent un rôle essentiel : ce sont des êtres éveillés qui renoncent à leur propre nirvāna afin d’aider tous les êtres à se libérer. C’est pourquoi les pagodes Mahāyāna abritent une grande variété de statues représentant des bouddhas et des bodhisattvas, notamment Quan Âm, déesse de la compassion.
Pratiques religieuses
Le Mahāyāna enseigne que l’éveil est possible ici et maintenant, à travers une vie éthique et compatissante. Il ne sépare pas radicalement le cycle de renaissance (samsara) du nirvāna, mais considère que « la souffrance est elle-même une voie vers l’éveil ». Le pratiquant cherche à se libérer, mais aussi à aider les autres — d’où l’idée d’un « grand véhicule » qui transporte le plus grand nombre vers la libération.
Tenue des moines
Les moines Mahāyāna portent des tenues sobres, souvent de couleur brune au quotidien. Lors des rituels, ils revêtent des robes jaunes et la cà sa (écharpe rituelle).
On distingue trois types de tenues :
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Tenue quotidienne : robe brune ou jaune, tunique longue et pantalon ou jupe, avec foulard.
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Tenue de cérémonie : semblable à la tenue quotidienne mais de meilleure facture.
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Tenue rituelle complète : comprend en plus la cà sa. Les femmes et les hommes portent des tenues similaires, avec quelques ajustements.
Alimentation
Les moines et fidèles Mahāyāna pratiquent généralement le végétarisme strict. Ils évitent toute nourriture d’origine animale, en particulier celles contenant du sang. Cette pratique repose sur le respect absolu de la vie, car tout être sensible peut souffrir. Tuer un animal est donc perçu comme une transgression du précepte fondamental de non-violence.

Architecture des pagodes
Les pagodes Mahāyāna se caractérisent par leur architecture traditionnelle en bois, aux toitures courbées. Elles sont souvent richement décorées avec des encens, des gongs, des statues de divinités, dans une ambiance solennelle. En dehors des sites touristiques naturels, la plupart des pagodes sont intimement liées à la vie des villages. On y vénère non seulement les bouddhas et bodhisattvas, mais aussi les esprits des ancêtres, les divinités locales et parfois même les figures mythiques du folklore vietnamien.
Bouddhisme Theravāda (Petit véhicule) – tradition des moines khmers
Le bouddhisme Theravāda, ou Petit Véhicule, est issu directement de l’Inde et s’est transmis vers le sud, notamment au Sri Lanka, en Birmanie, en Thaïlande, au Laos et au Cambodge. Dans ces régions, il s’est développé sur un terreau déjà influencé par la culture indienne et l’hindouisme. Cette forme de bouddhisme est souvent devenue religion d’État ou du moins la base même de l’identité culturelle. En conséquence, les pays theravāda connaissent peu d’influence extérieure d’autres religions.
Au Vietnam, le bouddhisme Theravāda est surtout pratiqué par la communauté khmère dans le delta du Mékong, notamment dans les provinces de Trà Vinh, Sóc Trăng, An Giang et Kiên Giang. On y trouve de nombreux monastères khmers au style distinctif.

Croyances fondamentales
Le bouddhisme Theravāda considère le Bouddha comme un homme ordinaire qui, par une pratique rigoureuse, a atteint l’éveil. Il est né, a souffert, est mort comme tout être humain. Sa particularité réside dans le fait qu’il s’est libéré du cycle des renaissances (samsara). Contrairement au Mahāyāna, cette tradition ne reconnaît qu’un seul Bouddha — Śākyamuni — et ne vénère ni bodhisattvas ni autres bouddhas. Les statues le représentent donc toujours sous des traits indiens, pour rester fidèles à ses origines.
Selon cette école, le nirvāna est distinct du monde du samsara. L’objectif est de sortir totalement du cycle des renaissances. La libération spirituelle est individuelle : chacun doit atteindre l’éveil par soi-même, sans dépendre d’un maître ou d’une figure spirituelle extérieure. On parle de « l’éveil par soi, pour soi ».
Tenue des moines
Les moines Theravāda portent des robes de couleur jaune safran, simples et drapées, appelées cà sa. Hommes et femmes ont des tenues similaires, composées de longues tuniques, pantalons ou jupes longues, et d’un châle ou foulard couvrant l’épaule.
Alimentation
La tradition alimentaire suit de près les coutumes de l’époque du Bouddha : les moines pratiquent l’aumône chaque matin, mangeant ce qui leur est offert sans distinction végétarienne ou carnée. Ils respectent la règle dite des « trois viandes pures » (tam tịnh nhục) : ils ne doivent pas voir, entendre ou soupçonner que l’animal a été tué pour eux. En outre, ils ne mangent qu’un seul repas par jour, avant midi. Le matin, ils prennent souvent du porridge, et le soir, ils peuvent boire du lait, de l’eau de riz ou des jus de fruits.
Architecture des pagodes
Les temples Theravāda sont sobres, construits dans des tons clairs, avec peu de décorations. On n’y trouve que des statues du Bouddha historique.
Chez les Khmers du Vietnam, la pagode n’est pas seulement un lieu de culte, mais aussi un centre communautaire et éducatif. Elle est souvent entourée de verdure, bâtie sur un terrain élevé, orientée est-ouest, avec un mur d’enceinte. C’est un lieu de transmission des valeurs culturelles et religieuses pour la jeunesse khmère.
Bouddhisme Hòa Hảo – un courant bouddhiste vietnamien réformé
Le bouddhisme Hòa Hảo est un mouvement religieux né au Vietnam dans les années 1930, dans le delta du Mékong, plus précisément dans la province de An Giang. Fondé par Huỳnh Phú Sổ, ce courant est une forme de bouddhisme populaire et réformée qui prône une pratique simple, accessible et tournée vers la vie quotidienne. Hòa Hảo s’appuie sur les enseignements essentiels du Bouddha, mais rejette certaines pratiques rituelles complexes et le faste des temples traditionnels. Le mouvement insiste beaucoup sur la foi personnelle, la méditation, la moralité et l’aide sociale.
Le bouddhisme Hòa Hảo est principalement pratiqué dans le sud du Vietnam, particulièrement dans le delta du Mékong, dans les provinces d’An Giang, Đồng Tháp, Cần Thơ, ainsi que dans certaines communautés vietnamiennes à l’étranger.
Croyances fondamentales
Hòa Hảo se distingue par une lecture directe et épurée des enseignements du Bouddha. Le fondateur Huỳnh Phú Sổ a insisté sur la simplicité de la foi, la sincérité dans la pratique, et sur le fait que le salut dépend de l’effort personnel et de la compassion envers autrui. La méditation joue un rôle central, mais sans recours à des rites compliqués ou des sacrifices.
Cette école refuse les dogmes rigides et les hiérarchies religieuses très structurées, ce qui en fait un courant très proche du peuple et de ses réalités. La réincarnation est reconnue, mais l’accent est mis sur la transformation morale ici et maintenant.
Tenue des pratiquants
Les adeptes de Hòa Hảo portent généralement des vêtements simples, souvent blancs, symboles de pureté et d’humilité. Il n’y a pas de clergé officiel comme dans les autres branches du bouddhisme, mais des guides spirituels et des représentants locaux. Lors des cérémonies, les pratiquants peuvent porter des robes blanches ou des tenues traditionnelles sobres.
Alimentation
Les pratiquants de Hòa Hảo n’ont pas de règles alimentaires strictes comme dans d’autres branches bouddhistes. Toutefois, beaucoup choisissent un régime végétarien par respect pour la vie, suivant l’éthique de non-violence. La simplicité et la modération dans l’alimentation sont encouragées, en lien avec la discipline morale prônée par le mouvement.

Architecture des lieux de culte
Les maisons de culte Hòa Hảo sont modestes, souvent des petites salles de prière intégrées dans des maisons particulières ou de simples pavillons. Contrairement aux temples traditionnels bouddhistes, ils n’ont pas de statues compliquées ni de décorations luxueuses. Le décor est simple, avec parfois un autel sur lequel figurent des images du Bouddha ou des symboles religieux. L’accent est mis sur la prière, la méditation et la vie communautaire plutôt que sur le faste architectural.
Origine du bouddhisme
Le Bouddha originel
Siddhartha Gautama, également connu sous le nom de Bouddha, est le fondateur du bouddhisme. Il est né vers 563 avant notre ère à Lumbini, dans l’actuel Népal, dans une famille royale appartenant à la tribu des Shakya. Son père, le roi Śuddhodana, et sa mère, la reine Māyā, vivaient dans le palais de Kapilavastu. La légende raconte que la reine Māyā a eu un rêve prophétique dans lequel un éléphant blanc est entré dans son côté, annonçant la naissance d’un grand être. Siddhartha est né dans le jardin de Lumbini, et il est dit qu’il a immédiatement marché sept pas, déclarant qu’il serait le Bouddha.
Siddhartha a grandi dans le luxe du palais de Kapilavastu. Son père, désireux de le protéger des souffrances du monde, l’a entouré de toutes les formes de confort et de plaisir, l’empêchant de voir la souffrance, la maladie, la vieillesse et la mort.

Les quatre rencontres
Malgré les efforts de son père, Siddhartha a finalement été confronté aux réalités de la vie lors de quatre sorties en dehors du palais. Ces rencontres sont connues sous le nom des « Quatre Visions » ou « Quatre Rencontres » :
Vieillard : Lors de sa première sortie, Siddhartha a vu un vieillard, courbé par l’âge, découvrant ainsi la réalité de la vieillesse.
Malade : Lors de sa deuxième sortie, il a vu un homme gravement malade, prenant conscience de la réalité de la maladie.
Cadavre : Lors de sa troisième sortie, il a vu un cadavre en décomposition, réalisant la réalité de la mort.
Ascète : Lors de sa quatrième sortie, il a rencontré un ascète errant (personne qui est une personne qui s’impose, par piété, des exercices de pénitence, des privations, des mortifications) un homme qui avait renoncé aux plaisirs du monde pour chercher la vérité spirituelle. Cette rencontre a inspiré Siddhartha à chercher une solution aux souffrances de la vie.
Quête de l’illumination
Les quêtes de l’illumination dans le bouddhisme se réfèrent aux pratiques, aux enseignements, et aux chemins que les bouddhistes suivent pour atteindre l’éveil, ou l’illumination, un état de compréhension profonde et de libération de la souffrance.
Profondément touché par ces visions, Siddhartha a décidé de quitter le palais et sa famille pour devenir un ascète et chercher une réponse à la souffrance humaine. Il avait alors 29 ans. Pendant six ans, Siddhartha a pratiqué des disciplines ascétiques extrêmes, cherchant l’illumination par la mortification de son corps. Cependant, il a finalement réalisé que ces pratiques ne conduisaient pas à la libération. Abandonnant les pratiques extrêmes, il a adopté la voie du « Moyen Majeur », un équilibre entre l’auto-indulgence et l’auto-mortification.

L’éveil et compréhension profonde
Siddhartha s’est assis sous l’arbre de la Bodhi à Bodh Gaya, déterminé à méditer jusqu’à ce qu’il atteigne l’illumination. Après une nuit de profondes méditations et de tentations par Māra, le démon de l’illusion, il a atteint l’Éveil, devenant ainsi le Bouddha, « l’Éveillé ».
Enseignements
Pendant les 45 années suivantes, Bouddha a voyagé à travers le nord de l’Inde, enseignant et fondant la communauté bouddhiste (Sangha). Ses enseignements ont été préservés sous forme de sutras et transmis par ses disciples.
Siddhartha Gautama a ainsi transformé sa propre quête spirituelle en un chemin universel de libération de la souffrance, fondant une tradition qui continue d’influencer des millions de personnes à travers le monde.
Nos derniers mots,
Le bouddhisme au Vietnam est une composante majeure de la culture et de la spiritualité vietnamienne, intégrant des influences du Mahāyāna et du Theravāda. Il joue un rôle crucial dans la vie quotidienne et les pratiques religieuses des Vietnamiens. Aujourd’hui, il continue de promouvoir des valeurs de compassion, de paix et de sagesse dans la société vietnamienne.
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Marine Denis + Laetitia Phuong Ha TRAN (Aucoeurvietnam – Agence de voyage locale au Vietnam)